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DOMAINE VALLOT




Vous le savez, je n’aime pas le matraquage publicitaire lorsqu’il nous vend des produits qui n’ont aucune qualité, mais mon attention s’est portée cet été sur un article de VSD qui parlait du Domaine Vallot. Je devais passer au marché de Nyons pour y respirer l’ambiance de Provence. La lumière si particulière des matins provençaux et les senteurs épicées qui montent entre vignes et pins sur les contreforts des collines étaient vertement secouées par les rafales du Mistral pas encore calmé depuis trois jours.



Un premier arrêt au domaine pour goûter l’ambiance du papier de VSD. Au pied de la colline de Vinsobres, le mas familial est niché au milieu de la vigne, presque d’un seul tenant. Accueil courtois au caveau attrayant, pour prendre le temps de choisir quelques bouteilles. J’ai été intrigué, le caveau respire la vie…il donne envie.



J’aime le vin, non que je sois un spécialiste pour en énumérer ses parfums et touches successives mais je sais s’il est bon et qu’il fait du bien à l’esprit et au corps. Pourquoi les anciens l’auraient-ils inventé ? La vigne est un produit de la Terre et le génie des hommes en a tiré du vin. Deux mots ont sonné plusieurs fois dans mon court passage, j’avais lu biodynamie et j’ai entendu terroir.



Les terroirs de Côtes du Rhône sont intéressants. Venant dans la région depuis quelques années, j’ai eu le temps de courir du Tricastin à Visan ou de Saint Maurice à Gigondas. Mon plan préféré c’est le viognier. Je trouve qu’il sait traduire les terres sur lequel il pousse, jeunes et vieux ceps donnent au vin ce qu’ils ont de meilleur. Le noble et réputé Condrieu cache de Sainte Cécile des Vignes aux Dentelles de Montmirail quelques crus secrets que j’ai eu plaisir à découvrir. 
« Le Haut des Côtes » Blanc de François Vallot m’a fait faire un pas de plus avec le viognier, il souligne sa capacité d’assemblage. Servi à l’apéritif, il est franc et agréable au palais mais si un plat de poisson grillé ou une huître de Bouzigues passe par là, il ne change pas de nature. Il se plie et accompagne le plat. Il n’est pas puissant, il est solide…
Parfois les vins rouges Bio, ont une touche d’acidité que je trouve peu agréable. L’AOC VINSOBRES « L’Exception » 2013 m’a fait une grande surprise, à la température de la pièce et à peine rafraichi après 7 heures d’ouverture, il a dit tout le bien de ceux qui l’avaient préparé. Charpenté, il dit d’où il vient, il est plus léger que ses voisins de Vacqueyras ou de Gigondas. Sobre il l’est mais très parfumé, seul ou lui aussi accompagné un régal pour le palais.
Mon passage au caveau Vallot avait touché mon intuition. Je lui fais confiance, elle m’a amené sur des sentiers inespérés depuis bien des années et m’a fait rencontrer des gens du monde entier. Je voulais en savoir plus pour le partager avec vous, dégustation faite cela vaut le détour.



La biodynamie est une philosophie de culture : le domaine agricole est un organisme vivant. J’ai traduit immédiatement un système, comme l’Homme. Biodynamie pour conserver l’écosystème. Cela me parle car dans le domaine de l’industrie, j’ai sans le savoir appliqué cette philosophie pour forger les pièces en métallurgie. Innover pour s’approcher au plus près de la pièce finie, observer, combiner des techniques, alléger les apports en graphite ou huile pour ne pas dégrader l’environnement et multiplier les déchets. 



C’est François Vallot qui au moment douloureux du partage des terres familiales a décidé de se lancer en biodynamie en 2003. Selon son idée la terre s’y prêtait, sise sur le coteau, presque d’un seul tenant, entre ravins et forêt, il était chez lui. Il a commencé bio même si depuis longtemps sa manière de travailler les vignes restait traditionnelle. Les techniciens agricoles et les laboratoires ne donnent pas toujours de bons conseils. J’en sais quelque chose,  pendant 4 ans je fus directeur industriel de Nodet-Gougis. Je n’aimais pas travailler le jardin de mon père, j’ai appris beaucoup du monde paysan de bien des pays où nous exportions. Aussi aujourd’hui, je suis malheureux de voir les métiers du monde agricole se dégrader pour faire de l’industrie au lieu de préparer  des produits de qualité et de santé publique. 





Ecouter le sol, l’amender en biodynamie, c’est beaucoup d’attention et le respect de règles de la nature que les anciens savaient respecter et que trop souvent pour l’appât du gain nous transgressons. Respecter les cycles de lune pour travailler la vigne, la traiter pour la pérenniser demande une force de caractère peu commune et une modernité à nulle autre pareille. Les résultats économiques ne sont pas toujours au rendez-vous et vivre au rythme des saisons de nos jours est une gageure mais qui est le chemin à prendre pour donner à nos petits-enfants une  part de la chance que nous avons eue. Aussi c’est avec beaucoup de respect que je suis revenu écouter Anaïs qui petit à petit reprend les rennes du Domaine Vallot.


 
 François en est heureux et lui sert de mentor, mais la jeune dame a pris soin au cours de son éducation d’aller voir ailleurs ce qui conduit le monde. Partie à Paris apprendre son métier de manager dans l’hôtellerie de luxe, elle reste attentive à la qualité des produits qu’elle met sur le marché. Depuis toute petite la vigne l’a nourrie des bons et des mauvais jours, sans le savoir elle s’en est imprégnée et ne l’a découvert qu’en suivant les cours de l’Université du Vin qui fait honneur au village voisin de Suze La Rousse. Riche idée de Jacques Meynier et Henri Michel pour créer dès 1978 ce centre de formation des métiers du vin de si haute volée. D’un coup la forteresse médiévale devenait un garant international des pratiques autour de la vigne et du vin. Anaïs y est passée avant de prendre les commandes assistées des vignes du domaine. 

 






















La jeune dame est modeste et reste réservée mais ses yeux en disent plus long sur l’amour de son métier, sur sa capacité à suivre les traces de son père et donner un sens à tout ce qu’elle fait. Son choix est arrêté, elle veut apporter sa valeur ajoutée. Son savoir veille à rester au contact du marché. Elle a eu le temps de voir ce qui se passait en Australie, l’Université lui a dit ce qui se faisait au Québec ou au Chili. La concurrence elle connaît, elle sait l’exigence des clients du monde entier et la somme d’effort qu’il faut faire pour les contenter.
Sa crainte est dans l’approche du travail journalier. La vigne est sensible comme tout corps humain et peut être attaquée même si bien préparée depuis des années comme corps vivant elle sait résister. 
La griffe Demeter pour elle est un cadre de vie et une compagnie. Autour d’elle les groupes de vignerons qui ont la même philosophie se rencontrent régulièrement pour échanger sur leurs pratiques respectives. Elle remarque que les règles édictées par le label au plan international ne se marient pas bien avec les terres de France. D’Alsace à la Bourgogne, du pays nantais aux côtes du Rhône les terroirs sont multiples, les nuances variées et pas toujours bien coordonnées. En Australie ou en Nouvelle Zélande l’Université du vin représente tout le pays. Les chercheurs y travaillent pour chaque région de la même façon. J’ai eu la chance à Adelaïde de rencontre un professeur éminent, Peter Dry qui m’a bien expliqué (tout en jouant au Lawn Bowl) comment l’Australie avait mis en place un plan stratégique pour inonder le marché de ses vins aux parfums adaptés au goût de ses clients. 
Je regrette trop souvent que ceux qui tiennent encore un métier réputé, plutôt que de râler et d’attendre que d’autres fassent à leur place, ne prennent leur destin en main pour faire entendre leur voix. La France dans le domaine du vin (comme dans bien d’autres ) est une référence, mais nous nous y prenons mal pour le faire savoir. 
Nos énarques ne comprennent rien, ni à la vigne, ni à l’industrie et suivent des modes ou des modèles au lieu de réfléchir à ce qui rendrait service à tout le pays. Je peux constater que les étrangers viennent ici prendre ce qu’il y a de meilleur et repartent chez eux pour le mettre en œuvre. Ils ont commencé avec le siècle des Lumières et ils continuent dans tous les métiers en attirant nos jeunes pour nous affaiblir encore un peu plus.
La dynamique engagée par François Vallot sur ses terres donne un ensemble de produits de bonne qualité et rend la terre pérenne sans l’endommager. C’est un choix d’une grande modernité qui montre une fois de plus que l’écologie est une philosophie qui dépasse la politique pour venir se nicher dans chaque métier. Notre avenir est là pour qui ou quoi que ce soit !

Anaïs a choisi de revenir à ses racines et de poursuivre la voie tracée par François. Elle sait qu’elle doit veiller à des choses auxquelles elle n’avait pas pensé. Le marché elle connaît, mais l’évolution du climat, des normes qui changent sans arrêt demandent une éducation qui dépasse celle du vigneron. La voilà confrontée au « principe de précaution » inventée par un Président qui n’en prenait pas, à l’incapacité de l’Inra de fournir des solutions autres que drastiques, à l’Europe qui avec ses technocrates peut penser que dans le Rhin les vins auront les saveurs de ceux du Midi.
Drôle de monde aujourd’hui où la « globalisation » a fait que pour exister il faut penser dans son terroir à augmenter la qualité de ses produits pour exister. Anaïs sait que ce qui a un sens pour sa vie, c’est de continuer l’œuvre commencée au Domaine Vallot et de ne rien lâcher pour pouvoir y arriver.



Maintenant pour la récompenser de cette profession de foi passez la voir pour à votre tour déguster : c’est un vrai cadeau à partager !**




Michel Prieu

** J'ai un gros faible pour le Vinsobres AOC cuvée Claude Vallot.


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