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LOS CAZARES 2 : ...... Sans assurance.


Entrée piétonne du parking..
il y a 3 étages de sous-sols, la voiture est au fond.
On apprend toujours du voyage…Il fallait à tout prix rentrer en France pour aider la maman de Françoise. Pas aisé à expliquer aux opératrices de Mondial Assistance.
Pas facile pour une jeune femme devant son écran d’ordinateur de trouver un avion pour revenir de Murcia à Lyon à bref délai. Au bout du fil, alors que je sais ma voiture sous 20 mètres d’eau avec des souvenirs précieux, elle ne sait pas comment son incompétence sonne le tocsin…Ce qui me navre le plus c’est qu’une fois qu’elle a raccroché, le dossier est resté en plan. Elle n’a passé aucune consigne pour suivre le dossier le lendemain. 
A première vue, vider 3 étages risque d'être long !!!!
 C’est cela aujourd’hui qui me reste mais ce n’est pas fini car c’est une constante. Constatez vous-même, vous achetez un service dans un grand compte, une banque, une assurance, un opérateur de téléphone ou de télévision et une fois que vous avez signé, vous n’avez aucun service. Je dis bien aucun service. Et vous êtes harcelé par de nouvelles propositions marketing…

L'armée au secours de la population



Donc avec des conseils creux et inutiles nous sommes partis pour Alicante. 105 euros de taxi, de quoi faire le lit de Uber… Sur un grand aéroport touristique, on devrait bien trouver une solution. Nous allons directement chez Iberia. Alicante-Madrid ou Alicante-Barcelone et puis on verra. La non plus, pas de service, si sur Madrid, 900 euros le billet. Iberia n’a pas besoin de clients ou l’informatique a bugé…Non, c’est l’hôtesse de la compagnie, charmante qui nous confirme que nous avons intérêt à prendre une voiture…
Photo internet
Ordinateur en piste, WIFI gratuit pour une heure dans le terminal, très sympa et Gold Star en point de mire pour trouver une voiture. Il y a bien une voiture. Parfait. Je loue. Merde… Puis-je passer la frontière ? Question posée au bureau, non impossible, seulement Espagne. Où en est l’Europe et Schengen ! Puis-je annuler ? Non. Trop près de la prise de voiture…Alors nécessité d’appeler Londres et discuter. Ok cela se passe bien. Je peux louer à côté, Avis ? Budget ? C’est la même chose.
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Marta est sympa, jolie et parle le français, l’anglais, l’espagnol et le polonais d’où elle vient. On fait de belles rencontres dans les aéroports. Je peux conduire en France ? Oui, mais obligation de déposer la voiture en Espagne, sans faute. Cela tombe bien j’ai envie de revenir. 3 heures à tourner et virer pour espérer ce soir être à Prades et 8 heures de conduite avant…Nous nous sommes assistés nous-mêmes…

Chaque jour qui passe, des informations viennent de Los Alcazares et je les transmets à mon courtier et aux assurances. J’oublie Mondial Assurance…Et je décide de revenir à l’hôtel Blue Sense Mar Menor avec lequel je suis toujours en contact. Ces gens sont dans un tas d’ennuis et restent charmants, comme s’ils étaient coupables, cela me fend le cœur… 
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Je reprends la route, ravi, j’aime l’Espagne, son esprit, sa manière de vivre, sa langue et je retrouve la boue de Los Alcazares. Nous sommes alors le 27 décembre et la boue est toujours là en ville, les maisons et les magasins. Les gens balaient toujours, la boue est dans la rue, les services de secours, les bénévoles s’affairent sans relâche et la Guardia Civil veille. La boue rend tout glissant. 




A l’hôtel, toujours pas d’électricité mais le Pc de crise fonctionne.  L’eau ? toujours haute, pas moyen de voir, les bottes ne suffisent pas. Je reviendrai demain ; non plutôt vendredi, le responsable du parking qui sirote un cocktail téléphone à l’oreille confirme, un espoir est né…


Je vais m’équiper chez Décathlon, les waders sont en solde. Seulement du 45 de pointure.  Bah, tant pis, je risque juste de me nager dans les propres bottes ! 
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J’en profite pour découvrir Carthagène et m’offrir une respiration. Pas mal la ville avec son port superbe. La baie est presque fermée. L’anse renferme le port militaire, la marina, le port de pêche et le port commercial. Tout est propre, Noël est passé par là. Effet bizarre en descendant de la terrasse du restaurant (j’ai dégusté une loubine énorme à la plancha), en me léchant encore les babines. La place est en bois. Comme un pont de bateau. Le musée adjacent est construit comme un deck. Beau travail d’architecte. Simple et efficace. Je suis toujours surpris en Espagne de la liberté laissée aux architectes. Ils créent des ensembles modernes au milieu de palais historiques. Cela ne me choque pas, j’y vois les changements de siècle, l’évolution des idées, l’intégration du progrès technique…
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La ville a ses trésors aussi, sa vie familiale en ces jours de fête déborde dans la rue comme toujours malgré l’hiver. Théâtre sur la place, scène ouverte  près de l’église. A côté une animation avec des santons et des maquettes animées superbes. Les enfants crient, les parents tchatchent fort et les anciens surveillent. Je devrais dire veillent à ce que cet art de vivre perdure…
Vendredi fin de matinée, je n’y tiens plus, je veux voir, nous sommes le 30 décembre. Si je peux sauver quelque chose, je repars illico. Je suis d’abord passé à l’aéroport d’Alicante prolonger mon contrat de location. Je garde la même voiture mais je dois signer le contrat papier, mais c’est plus facile qu’aux USA qui vous changent de voiture.
Arrivé à l’hôtel tout le monde est dépité. Il y a toujours de l’eau. Les nappes sont pleines, le niveau de la mer joue…Quand je montre mes waders, tout le monde est ravi pour moi. Je vais pouvoir y aller. Le directeur est submergé dans les documents : il doit virer son personnel.
Descente dans les sous-sols, pas d’électricité mais je me suis équipé de lampes frontales. Je n’ai jamais fait de spéléo mais je m’y crois. Le froid, l’eau, la boue, le noir, juste le pinceau de lumière qui m’accompagne avec celui de Marco, le responsable de l’entretien qui me montre le chemin. Tout est brisé sur le passage. L’eau a arraché les gongs de la porte…
Quand la voiture paraît.......
Premier niveau, les voitures sont encore en place mais couvertes de boue, celle du directeur est contre le mur : elle a bougé sous la pression du courant entrant…Comment vais-je trouver la mienne ? On marche avec précaution la boue est partout en couche épaisse.
Je descends vers le second niveau, heureusement un tapis spécial adhérence est posé, je ne glisserai pas et me voilà dans la boue plus profonde, puis l’eau plus légère pour marcher. Encore un angle et je verrai. J’ai de l’eau jusqu’aux dessus des genoux.
Elle est là, elle me tourne le dos, elle a bougé de plus de 10 mètres. Coffre ouvert, vitre chauffeur baissée. Effet du court-circuit ? Je ne saurai jamais. De la boue partout, visqueuse tout semble en place, les tableaux ne sont plus là. Coup au cœur, j’espérais qu’elle reste étanche…
Les valises ? pas moyen de les décoller…tout est là, je vais les enlever. Je fouille pour le principal, les papiers, les clés, les lunettes, les câbles électroniques… La carte de l’Espagne juchée sur l’appui tête du fauteuil avant me regarde goguenarde. Qu’est-ce que tu fous là ? 
Je fais la gueule, tous les livres sont touchés, les cigarettes de Maya ont pris du volume, elles ne lui feront plus mal. Ma veste neuve en cuir a sale mine…Je la prends quand même inch’allah !
Je vais avertir Marco pour me refaire un moral ; je prends deux sacs et je me rends compte que la boue peut m’aider à porter les paquets lourds.
Je redescends et la noria commence, d’abord fouiller, palper, tâter, trier et mettre dans les sacs poubelles. Imaginer comment on va trouver tout cela. Les trophées, les boites hermétiques qui ne le sont plus. Voir, juger, décider… L’imprimante à jeter, mais j’aurais pu garder les recharges d’encre c’est ce qui coûte dans une imprimante. Ils sont très forts les informaticiens, ils ont aussi inventé des systèmes de vente…
Cela a duré 2 heures. Et tout d’un coup au moment de remonter, je me dis que je n’ai pris aucune photo. Je vais redescendre pour les assurances et prendre les clichés pour ne rien vous cacher. On ne sait jamais et puis pour votre expérience au cas où cela vous arriverait en venant nous voir. L’effet cévenol s’est exporté en Espagne, pour choisir où habiter ce sera utile de le savoir. Je ne suis plus triste, je suis dans l’action comme au golf. Faire, agir cela vous débarrasse des états d’âme.
Charger la voiture maintenant, mais avant tout la protéger. Cette boue s’insinue partout, elle colle, gluante à souhait. Armando et Marco m’aident et me voilà prêt, le plein et je rentre à Prades, soulagé mais toujours inquiet pour ce que je n’ai pas vu encore dans les paquets fermés et les valises. 
Arrivée un peu avant minuit mais excité. Jamais de radio en voiture, pas de musique mais cela tourne à toute vitesse dans la tête. Sauver ce qui peut l’être me tient éveillé, mais que retenir de la région ? Je suis déçu, je n’ai pas trouvé ce que je voulais. 
Photo internet
Les golfs, nombreux, accessibles mais américains. Resorts, froids, anglo-saxons. Les gens qui jouent pas des perdreaux de l’année, pas français. Le bureau de vente ? fermé. Les renseignements ? En anglais ou en espagnol. Bof. 





Photo internet
La plaine ? Vaste jardin maraîcher. Pas le jardin ouvrier, non l’usine, l’industrie. Des carrés verts à perte de vue. Remarquez c’est mieux que les boites de plastic d’Almeria. Le jardin de l’Europe sous cloche a bousillé le paysage de l’Espagne. Triste. Finalement ce sera plutôt Malaga, mieux vaut que la montagne tombe dans la mer. C’est Siegfried qui sera content et pour le car de Rachid ce sera plus près d’Agadir pour venir nous voir. Quand Françoise surveille ma route en rangeant pièce par pièce, meuble par meuble l'appartement  ne lui parle pas de cela et je suis déçu de mes constats.


Photo internet : La Têt 



Le lendemain trouver un endroit tranquille pour laver tout. Le plus facile la rivière. Lavage à la rivière comme quand j’étais enfant, fier de donner un coup de main aux dames pour nettoyer les boyaux, le jour du pelle porc annuel. Le froid, les doigts gourds et endoloris. J’ai lavé la veste de cuir à grande eau comme les lavandières du Portugal. Belle surprise, il a bien réagi, il va pouvoir sécher. 

Les valises pèsent toujours autant impossible de les ouvrir toujours pleines de boue. Il est 17 heures, le 31, les huîtres sont au frais, le foie gras et le vin aussi. Je m’arrête au lave auto local et passe tout sous pression. Les valises semblent revivre. Pour savoir ? Ce sera l’an prochain, je suis transi de froid.
Avec Françoise un peu fatiguée, le réveillon s’est bien passé, calme, je n’aime pas être heureux sur commande. Je le suis tout le temps, je préfère une fête impromptue, une rencontre fortuite. Dans mon esprit le passé est… passé. Pas de nostalgie au contraire, savourer l’instant présent en imaginant que celui qui va venir sera meilleur. Demain sera meilleur c’est sûr, je le dis, je le vis. Je vous préviens, je mourrai heureux. 
A la réflexion, je me dis que mes parents Paulette, la secrète et Roger si attentionné, m’ont fait un énorme cadeau encore enfant. Ils ont eu un message simple, unique, lancinant. J’ai compris « fais mieux que nous ». Maintenant qu’ils m’ont laissé me débrouiller sur terre, j’ai traduit : « fais mieux que toi ». Vous ne pouvez pas savoir l’énergie que cela donne. L’impression d’avoir moins de rides à l’âme, l’impression de n’avoir plus peur de rien. Cette peur qui inhibe, qui empêche de vivre alors que nous ne sommes que de passage ici et que maintenant peu de gens savent ce que cela veut dire et ne profitent pas du temps qui passe. Même les mains dans la boue, j’ai conscience que le paradis, je ne l’espère pas : j’y suis.
Ouvrir les valises, enfin on va pouvoir. Toujours aussi lourdes. Françoise a un souci, comment faire sécher ? L’air du Maroc n’est plus là…Elle revient avec ma veste en cuir, elle tient debout, raidie par le gel qui tombe du Canigou. Il a mis son casque blanc sur ses cimes poétiques.  Le poète a disparu mais lui règne sur ce coin de Méditerranée. Il couve Perpignan, regarde Montpellier, se dresse pour voir Marseille, flamboyant catalan.


Photo internet


J’ouvre la première valise, la plus lourde, pas trop mal, peu de boue, elle a filtré. Trier, laver toute la journée. Le cumulus entier y est passé. Pas si mal. Celle de Françoise plus de boue, mais moins de linge et d’affaires. Il faudra de nouveau passer les valises au jet sous pression pour leur redonner l’occasion de servir au prochain départ.
Durant ce temps Françoise range, trie et peste. Vider une maison ce n’est jamais simple. Tout se bouscule l’important et le dérisoire, une vie illustrée par des bibelots, sans valeur économique mais qui ont la couleur du cœur. Un objet familier, comment s’en séparer ? Souvent en se déchirant.
Pour l’épilogue ne pas finir sur une fausse note. Tout ce tracas depuis des jours ne peut finir ainsi. La vie reprendra demain, plus facile, à notre rythme. Alors, si près de lui nous allons rendre visite à Dali. Olivier nous a rejoint





 










Salut à l’artiste, l’iconoclaste éclectique qui a su se montrer aux médias naissants et en jouer. Dali on le connait, on l’a vu de Paris à New York, de Londres à San Francisco, de Madrid à Barcelone. Mais chez lui à Figueras, il nous a encore épaté. Il nous a montré un pan de lui-même inconnu.







Formidable musée, vivant, émouvant dans la demeure de l’acteur, du peintre, du bijoutier, du sculpteur, de l’architecte d’intérieur… qui est-il vraiment ?

Partout présente sa soif de technique pour montrer du volume sur ses planches ; immense travailleur, boulimique de l’art. Surprenant d’être si près de lui. De sentir qu’il pourrait surgir au moindre clin d’œil. J’ai eu la chance de l’apercevoir de loin un jour à Cadaquès. Trop timide alors, trop jeune, dépassé par ce monument. Aujourd’hui, je lui mendierais rendez-vous pour lui demander une seule chose : « Monsieur, quel est le secret que nous n’avons pas compris de vous ? » Je suis sûr qu’il a voulu nous dire quelque chose d’énorme, d’indicible pour lui comme pour tous ceux qui l’ont étudié. Je crois que le tableau qui le dit le mieux, c’est son Corpus Hypercubus. Après demain je vous dirai ce que je pense…







Quel moment fabuleux encore, car artiste moins politique que Picasso, mais témoin de son temps, présentant ses amis, plus classiques pour mieux dire sa différence. Artiste joueur, en recherche, en prise directe avec son époque, les techniques qu’il découvrait, incroyable moment au milieu d’une foule attentive : russes, japonais, anglais, italiens, français et espagnols…, le monde entier est là, à pied, en car ou en voiture.





Tout cela nous avait régénéré, consolé de tous ces tracas séculiers et vu l’heure cela nous donnait faim. « La Taverna » nous attendait. Entre Maroc et France, chaque plat pour trois, nous aurons le plaisir de les partager. Délicieux moment dans cette ambiance si particulière du bruit des enfants si présents ici et qui crient pour se faire entendre dans le brouhaha des conversations des plus grands.





Larguer la voiture de location enfin pouvoir tourner la page. Demain retour à la maison, les affaires propres, les souvenirs en tête. 
Je ne sais quand ce feuilleton finira, je suis assuré tous risques et je n’ai aucune assurance. Je n’ai pas l’assurance que Mondial Assistance suive le dossier. Ils s’escriment à contacter le directeur de l’hôtel qui ne répond pas. Le pauvre Armando a pris un tel choc qu’il a craqué… Officiellement j’ai contacté la Guardia Civil…, trop occupée sans doute pas de réponse. Alors enfin aujourd’hui j’ai eu une information par mon ami Siegfried, pas moyen d’approcher la voiture avant le 16 janvier…sans aucune assurance.



Michel Prieu
Photos Françoise Devillechabrolle

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