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INTERMEDE BLANC : 3 - Station de montagne






La neige c’est toujours magique. Je l’ai toujours aimée car elle change la vie. Elle embellit tout, donne un cachet différent aux paysages, masque les imperfections et … perturbe les habitudes des gens. Avec la neige tout d’un coup on est mal adapté. Les routes et villes ne savent plus réagir au mauvais temps, un bonheur pour des journaux télévisés qui ne savent plus de quoi nous parler…

Au Planay rien de tout cela, la neige c’est le pain quotidien qui revient. Avant la pointe du jour, le balai du chasse neige et les ratracks sont au travail pour tout préparer, la route, les parkings et les pistes. Une douce effervescence anime le pied des montagnes. Arêches-Beaufort est en train de fêter le 70ème anniversaire de la création de sa première remontée mécanique. La neige, c’est de l’or alors que la houille blanche a permis l’essor de la vallée grâce à l’exploitation des barrages depuis plus un siècle maintenant. 







En à peine quelques heures vous prenez la mesure du Planay. Sans la neige, la vie des fermes et des gens qui habitent sur place se lit facilement. Les étables sont bien rangées, plutôt propre dans le paysage. Les animaux, vaches mais aussi chèvres et brebis, sont rentrés depuis novembre et sa première grosse chute de neige surprise. Espoir déçu, le redoux a fait des ravages. Mais le site permet une activité permanente entre marche de randonnée et pêche dans les torrents ou les lacs. C’est en premier ce qui attire l’œil. Le Chalet de Cœur est juste au-dessus de la route et vous entendez le cliquetis des bâtons de marche des randonneurs passer dès le matin. Cette musique est entraînante, un réveil dynamique.



Mon premier mouvement a été d’ouvrir la porte pour prendre une photo de la neige. La couche de duvet blanc a tout changé du paysage. Le temps est clair, le froid vif me surprend, je n’ai plus l’habitude. Un coup d’œil sur la montée vers plan Villard, les champs sont tout blancs, les sapins de la forêt aussi. Clic, clic et je referme, le nez glacé. J’étais un peu triste en refermant ma porte comme chaque fois que la neige cesse de tomber. Il fait si froid qu’elle ne fondra pas…

Après un bout de texte sur le Maroc, je suis parti chercher mes skis. Plus confiant j’ai fait deux passages au téléski du Tronchet et je me suis laissé emporter par le télésiège du Piapolay. 


Passage au-dessus de la forêt toujours vivace ici et qui donne un cachet supplémentaire à la station. La neige n’est pas très épaisse sous les paniers, aucune sous-couche…Arrivée du télésiège, sortie vers la descente à droite (je tourne plus facilement à droite…) et j’ai pris un grand coup au plexus en levant les yeux. Le massif du Mont Blanc est là, grand ouvert, entièrement éclairé par le soleil du matin froid. Pas un nuage, un vrai cadeau. 




Je m’engage sur la piste (je n’ai pas vu qu’elle est rouge) mais les pisteurs et les dameurs l’ont rasée de près ce matin. Je fais attention… je vais prendre le télésiège des Combettes pour monter à 2100m. Un sourire m’y accueille même si elle se plaint du froid. Je ne lui dis pas que je ne sens plus mes doigts… Echanges à chaque passage, elle rassure et encourage tous les skieurs qui passent, un mot gentil pour chacun. Ainsi, je me rends compte qu’il y a beaucoup d’habitués. Des gens de la vallée, la fine couche de neige les a sortis du lit ce mercredi. A chaque passage, et dans la descente je m’arrête pour respirer un peu, je n’ai plus l’habitude de l’effort en altitude. Surtout je ne me lasse pas de regarder le Mont Blanc. Le spectacle est si beau que je finis par faire une vidéo. Pour ce voyage, ma photographe préférée n’est pas là. Panoramic des cimes ! Images vertigineuses…


https://youtu.be/hDakJnfuVHU

Au beau milieu de la descente, sur ma gauche, sur la piste, une surprise m’arrête. Un grimpeur à ski de fond. Combinaison de course, élancé, fin il monte comme une locomotive. Je n’en reviens pas de son rythme. Tout d’un coup je réalise que Arêches -Beaufort est le berceau de la Pierra Menta, la course mythique, l’événement incontournable de la vallée. Une organisation locale qui occupe du monde tout au long de l’année.  Depuis des années les équipes de tous horizons viennent s’affronter avec les coureurs du Beaufortain. Peut-être qu’il s’entraîne…


 









A la descente suivante, à l’arrivé du Piapolay, ce sont un monsieur et une dame qui sont au bord de la piste avec les raquettes aux pieds. Sacs sur le dos, bâtons énergiques, pas des touristes, des habitués aussi de l’exercice. Pas jeunes mais dynamiques. Ils montent vers le col des Combettes. Je suis épaté, ce partage de la montagne pour des activités différentes m’enchante. C’est le secret et le succès de cette station, j’en suis persuadé. 

En début d’après-midi en redescendant pour la première fois afin d’enchaîner les 900 mètres de dénivelé entre le Col des Combettes et Le Planay, j’ai trouvé celui qui me manquait. Le spécialiste de la randonnée. Sac sur le dos, démarche rythmée lui aussi, je l’ai croisé au détour d’un virage il montait au bord de la forêt. Je me suis dit qu’il ne manquait plus que de croiser des patineurs sur glace ou des hockeyeurs dans le village.
Mine de rien j’ai un peu mal aux jambes, mais content de mes progrès. En discutant sur le télésiège, mon voisin m’a dit qu’une grosse chute de neige arrivait. Les premières nuées étaient sur le Mont Blanc avec leur couleur anthracite… En arrivant au chalet, je me suis rendu compte que les nuages pointaient leur net au-dessus du village d’Arêches. Constat qui m’a réjoui le cœur. J’en voudrais une grosse couche, cela permettrait d’ouvrir le « Boulevard de liaison » entre Le Planay et Arêches. J’aime bien faire les liaisons à ski, c’est d’abord un moyen de locomotion avant d’avoir été changé en loisir de citadins et en industrie touristique phare pour les montagnards. Je ne sais pas si c’est l’annonce de la neige qui réjouit les gens mais dans les magasins je suis accueilli avec de grands sourires, sur les pistes aussi. Un bon point pour ce coin de Savoie.

Je n’ai pas pu résister à m’arrêter sur la piste des débutants. J’aime voir travailler les moniteurs de ski avec les jeunes enfants des écoles. Je me rends compte que l’ESF n’a pas changé de méthode. Le serpent créé par les enfants derrière leur moniteur ou monitrice se déroule joliment. Pas de chute. Je ne suis pas tombé moi-même de la journée et je n’ai pas vu de vol plané non plus comme autrefois. Ceux qui sont par terre ce sont les surfeurs pour se reposer ou chausser leur planche. Les skis y sont sûrement pour beaucoup, je le vois pour moi, mais les pistes sont remarquablement préparées chaque jour. La sécurité est partout sur la piste. Les pancartes pour ralentir, signaler les croisements de pistes… une évolution sensible, prévention et sécurité. On la met sur des pancartes puisqu’il y des manques dans l’éducation des gens.
Photo internet
J’ai vu des skieurs avec les skis acrobatiques à double spatules, mais pas d’acrobaties. Peut-être pas assez de neige pour préparer les tremplins. Par contre j’ai vu de très bons skieurs, rapides et racés. J’ai pris de l’assurance mais je ne saurais plus faire. Celui qui a attiré mon attention est un monsieur avec une combinaison bleue et jaune comme le drapeau suédois et pratiquant le télémark. Superbe technique de ski, mouvement athlétique avec beaucoup de maîtrise, superbe trace sur la neige. Les spécialistes sont plutôt aux USA et au Canada maintenant. Le télémark a aussi son championnat du monde mais on n’en parle pas. 
Photo Internet
Ce qui m’a frappé aussi c’est de voir l’entraînement des équipes scolaires. Il y a des champions dans la vallée qui ont participé et gagné des médailles aux Jeux Olympiques d’hiver. Les élèves du Collège de Beaufort avaient un slalom géant de tracé à l’ombre. Quelques jeunes et jeunettes partaient avec le chrono en tête. Les plus aguerris (combinaison de course bleu-blanc-rouge) faisaient plier les piquets comme les grands. Ils doivent s’entraîner à la boxe au collège, pour pouvoir aller plus droit dans leur trajectoire. Pas étonnant que nous ayons des champions. 


Photo internet
Tous les âges sont sur la piste, des petits de la crèche avec même leur câble de remonte pente au pied des pistes aux arrières grand parents. Je ne peux m’empêcher de penser que si l’on voulait des champions de golf, il faudrait faire pareil. Ce n’est pas encore gagné dans ce domaine-là…

La journée a été animée avec tous ces enfants. Joyeuses classes piallantes, avec assez d’ordre même si les accompagnants continuent de jouer les gendarmes pour éviter la pagaille pour mettre les skis et rejoindre les moniteurs.  Les nuages montent de la vallée, il est temps de rentrer ; avant la nuit les premiers flocons tombaient. J’ai souhaité que cette fois cela ne s’arrête pas de tomber…



Michel Prieu

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