J’étais venu pour voir cela : il neige enfin. Elle est tombée toute le nuit, j’ai vérifié à plusieurs reprises, excité, je n’ai pas bien dormi. Ce matin, je vais aller marcher, je ne pourrai pas rester au chaud.
En milieu de matinée, je suis monté vers Plan Villard, histoire de jouer avec les flocons. J’aime le crissement des pas sur la neige, les traces qui se dessinent. La couche est déjà de 20 cm, la voiture au repos au pied du Nid d’Aigle est toute recouverte. Elle a fait son igloo pour ne plus avoir froid.
Tout est plus calme et plus doux les derniers chalets du Ladray passés. En dessous au loin, la saignée du Chorlais a disparu dans l’épais rideau de flocons. Le bruit des remontées mécaniques s’est assourdi.
Les arbres, les chalets semblent eux aussi jouer avec les flocons. En se posant chacun vient grossir la couche en cristal luisant. Devant le chalet à travers les bourrasques de neige Le Planay a changé. Chaque détail des immeubles et des chalets s’est estompé. Un halo entoure chaque lumière. Même le Mirantin ne chante plus pareil.
Les plus courageux des skieurs ont repris la piste. Les enfants des classes de neige ont rejoint leurs moniteurs. J’avais espéré qu’il neige longtemps, je suis servi. Du sommet de Plan Villard pas de vue sur les vallées des environs. Arêches est cachée.
Les chevaux tournent dans leur enclos en voyant disparaître l’herbe, ils vont devoir jouer du sabot pour la retrouver et se geler le museau. Au passage des fermes, pas un bruit dans les étables, juste quelqu’un qui coupe du bois pour la cheminée. C’est le moment de se calfeutrer, un bon livre à la main, un vin chaud pas loin. La neige c’est aussi cela, un moment pour rester près du foyer.
Je me souviens avec mon père quand on montait chez sa marraine à la Forêt de Gerde pour aller tuer le cochon. Deux jours de travail pour lui. A peine passé la gare de Pouzac, on trouvait la neige. On grimpait dans le tapis blanc parfois jusqu’aux genoux. Déjà pour moi c’était pareil, toujours être tiraillé entre jouer dehors et être dedans au chaud. Ici je fais pareil 60 ans plus tard.
Au fur et à mesure les aulnes devant le chalet se chargent de neige. Les branches ploient petit à petit. Dans la forêt un peu plus loin, les résineux aussi se sont poudrés comme le faisaient les courtisans sous Louis XIV.
Il allait neiger encore une journée complète. J'étais ravi de voir tomber les flocons en rangs serrés
Michel Prieu
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