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MONT VENTOUX



Chaque fois que je me promène dans les vignes entre Suze-la-Rousse et Sainte-Cécile-des-Vignes pour aller goûter le vin nouveau, Il me regarde tout le temps. Pour peu qu’il ne fasse pas trop chaud, la lumière si particulière de la Drôme Provençale le rapproche plus ou moins de mon chemin. Le « Géant de Provence » règne majestueusement sur la plaine.










Cent fois, j’ai remis sa visite à une autre fois mais ce mois d’août l’occasion était trop belle, toute la famille était réunie. Depuis bien longtemps que cela ne s’était pas fait. On a laissé la piscine et le jacuzzi pour prendre la route de Vaison-la-Romaine puis de Malaucène.

Vaison s’est refait une beauté depuis les tragiques inondations. La petite ville aux couleurs de l’été sous le vent est très encombrée ; en plus c’était le marché.  


Droit sur le mont, on ne peut le louper, pas besoin de boussole tout mène vers lui. Les vélos sont sur la route aussi bien qu’encore sur leur cadre à l’arrière des autos. La région a signé pour le pèlerinage des cyclos. 

Pas besoin d’être grand clerc pour voir la diversité des plaques d’immatriculation, de l’Allemagne à l’Espagne, de la Suède à l’Italie, tous les maillots sont là. Les vélos de toutes les marques complètent le coloriage de la route. Les allures des grimpeurs, mieux vaut ne pas en parler, sur la route d’approche tout le monde paraît décidé. Il y a même presque la parité entre dames et messieurs comme le voudraient les quotas instaurés pour la vie politique.
Avant d’arriver à Malaucène, on avait pu vérifier que tous les cadres de vélo étaient dans la nature. Avec ou sans sacoches, jantes fines ou gros boudins avec même des crampons ; selon les commentaires des journalistes et des commentateurs de la télé, ils vont servir pour l’escalade. 
A Malaucène, tourner à gauche, juste à l’entrée du village pour tout de suite attaquer les 16 kilomètres de montée. Pas le temps de respirer, plus de 8% de pente dès le premier kilomètre avant de revenir à une route à peine moins inclinée. On a choisi la montée qui paraît la plus facile, la moins escarpée. Tout le long de la route il faut faire attention, tantôt arcboutés, certains aériens, d’autres ayant du mal à tourner les manivelles, les cyclistes sont à l’épreuve, pour doubler mieux vaut s’en écarter.


Les voir ainsi les yeux vrillés devant eux sur la pente qui ne leur fait aucun cadeau, cela donne envie de faire comme eux. Je vais y penser moi qui n’ait jamais passé un col des Pyrénées. J’en suis parti trop tôt avant d’avoir goûté aux joies du vélo. Ce deux roues est un drôle d’engin. Une machine qui vraiment vous permet de vous déplacer mais pour avoir la bonne vitesse, c’est vous qui pédalez. Et quand cela monte, il faut appuyer sans compter, le temps et les mètres ne passent pas vite. Il faut suer, puiser un long moment dans toutes ses réserves, ne pas lésiner à en rajouter. La montée est longue, il faut boire et s’alimenter, ne pas trop en faire, pour ne pas caler. 





Entre les kilomètres neuf et onze, même si la route serpente, le lieu est un tournant. Des gens sont assis au bord de la chaussée, à même le rocher pour récupérer. Ce n’est pas la faute de l’asphalte, le ruban de goudron est presque parfait. Chaque année ou presque révisé, pour respecter le cahier des charges imposé par la Société du Tour de France. Le « Géant de Provence » en fut parfois le juge de paix. Il a donné des images de toute beauté et des drames s’y sont joués. 

Le mémorial de Tom Simpson sur le versant aride témoigne encore que la mort est parfois au bout de la roue. Au sommet, ce matin un homme s’est écroulé, malaise cardiaque à n’en pas douter. Les secours sont montés de Bedoin et de Vaison-la-Romaine ; même l’hélicoptère est entré en jeu pour tenter sauver le patient. C’était comme cela hier et ce sera demain aussi car l’épreuve demande un effort sans concession. Pour s’y atteler, mieux vaut s’y préparer ou monter par étapes au cours de la journée.

Au treizième kilomètre, on laisse la forêt. Juste avant de plonger vers la Station du Mont Serein. Je ne sais pas s’il est nommé ainsi parce qu’il est à l’abri Nord-Ouest du géant et que l’on peut s’y reposer avant d’escalader le reste de la montée au milieu d’un désert pelé. 





Les cailloux et les rochers ont pris la place de l’herbe et de la forêt. Le soleil en cette fin de matinée darde ses rayons sur le dos des cyclos qui sans arrêt regardent vers le haut comme pour faire venir le sommet plus vite à eux. C’est peine perdue, les 1911 mètres continuent de leur tendre les bras mais c’est seulement leur volonté qui les fera arriver au sommet.


Pour les touristes à vélo tout est organisé, vous pouvez vous restaurer mais aussi trouver tout ce que vous voulez pour faire du vélo. Pendant que vous déjeunez, vos enfants peuvent faire le marché pour changer de maillot ou trouver nouvelle chaussure à leur pied. 

Avant le sommet, en plein effort, chacun de vous aura rencontré les photographes qui ont fait les clichés qui témoigneront longtemps de vos efforts. Parfois certains préfèrent être attendus par leur famille, appareil photo à la main pour immortaliser l’instant du dépassement. C’est bien de faire ainsi car je dois le reconnaître, monter même par le flan Nord c’est un véritable exploit.



Au sommet, embouteillage pour parler et refaire l’histoire de la montée, dans toutes les langues vous n’entendez que : « nous sommes contents d’être arrivés au sommet ». Déjeuner au Chalet Reynard, marqué par son histoire. C’est souvent là que le sprint de la fin de montée était lancé par les coureurs qui voulaient gagner l’étape du jour. Tout est bondé pour déjeuner ; à partir de 13 heures il faut attendre, toutes les tables sont prises. 



Killian a eu un peu de mal avec son « Burger » local fait pour un déménageur. Emma a préféré la sobriété d’un sandwich parisien enroulé de papier comme elle le ferait en partant en randonnée… Elle en a gardé pour son goûter. 














Vu comment autour du Mont Ventoux, tout est organisé, c’est un peu comme à Lourdes, un mont de piété. Le pèlerinage a lieu toute l’année. Il est presque drôle de voir les remontées mécaniques implantées pour atteindre le sommet ; avec le réchauffement de la terre on peut penser qu’il ne va     plus souvent y neiger. Il restera la descente vertigineuse en VTT. Les ailes et voiles volantes ne sont pas autorisées, trop dangereux. Ce matin le vent n’est pas très fort pas besoin non plus de mettre les tricots.






Passage au sommet du belvédère pour voir de près la boule du radome qui abrite le radar qui sécurise l’espace aérien de la base de Bollène. Depuis quelques années l’observatoire est réactivé, de même que l’antenne Télé qui diffuse maintenant la TNT. Vu comment il est placé il doit « arroser » avec ses ondes assez loin dans la plaine.


On est redescendu du côté de la montée classique des coureurs du Tour en essayant de décrypter les messages des fans à l’intention des coursiers posés là pour le jour de la course. Tout en roulant, je me remémore cette folie qui prend les spectateurs si nombreux le long de la pente vertigineuse. Ils viennent hypocritement pour se régaler de voir les hommes trimer sur le ruban d’asphalte qui casse les mollets et embrument les têtes sous la violence de l’effort pour suivre la cadence imposée par les meilleurs grimpeurs.


C’est une dure épreuve à n’en pas douter pour escalader la pente. A se demander comment ils sont faits pour l’avaler à si grande vitesse. Tous ne sont pas fringants mais lorsque la boucle est bouclée et que l’on mesure la moyenne du dernier des coureurs ont se rend compte à qu’elle vitesse il faut pédaler pour espérer exister dans ce foutu métier.
Les néophytes de ce sport inhumain pensent que descendre c’est plus facile. Eh bien ce n’est pas vrai, j’utilisais tranquillement mon frein moteur pour contrôler ma descente autour de 60 km/h. Je me suis étonné d’écouter le vent des vélos débouler au bord de ma vitre et, … c’est arrivé : un des téméraires s’est explosé dans un virage sur le mur de rocher.

En arrivant à Sainte Colombe au pied de la montée, la touffeur de l’après-midi avait pris possession de tout le vallon, mais le flot des cyclos qui attaquaient la montée n’avait pas baissé. Un pari qu’ils n’allaient pas tous y arriver quand on voyait comment certains déjà s’escrimaient pour mieux animer leur pédalier. 

Pas moyen de quitter l’avant-scène du Mont Ventoux pour retourner vers Malaucène sans penser à Antoine Blondin qui laissait chaque année ses textes essaimer l’envie de monter le Ventoux à tous les amateurs qui suivaient les coureurs assis dans leur fauteuil en ville puis devant la télévision.
Je vais me préparer pour essayer de le monter. Je vais préparer le chemin comme je le fais pour un parcours de golf. J’en ai la volonté mais pas encore les mollets. Quand je l’aurai fait je vous dirai ce que dans ce texte il faut changer. En tout cas ce jour-là, je n’aurai pas le plaisir d’avoir Emma et Killian avec moi.


Michel Prieu

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